Wabjie : continuer à jouer malgré tout
En ces temps difficiles pour l’organisation de concerts, la musique ne cesse pas d’exister. Comme la mousse que son nom désigne, le trio Wabjie continue de pousser, même quand rien n’y paraît favorable. Fabien Imhof a pu s’entretenir avec ses membres.
La Pépinière : Bonjour Sam, nous avons déjà parlé de toi et de tes projets à plusieurs reprises, mais peux-tu te présenter à nouveau en quelques mots, pour nos lecteur.trice.s qui ne te connaissent pas ?
Sam : Hello, oui effectivement, je suis percussionniste professionnel et j’ai déjà sorti pas mal d’albums notamment Blast ! avec le groupe Swong et Hybrid Combination en duo avec Jean-Yves Poupin et dont on avait parlé lors de la sortie. Le groupe Wabjie dont je fais partie existe depuis un peu plus d’une année maintenant.
La Pépinière : C’est justement de ce nouveau projet, que tu montes en collaboration avec Soraya Berent (voix et basses) et Michel Wintsch (piano), dont nous allons parler aujourd’hui. Peux-tu nous en dire quelques mots ?
Sam : Effectivement, c’est un projet relativement nouveau et dont je suis assez fier. À l’origine Michel et Soraya jouaient déjà ensemble dans un duo vraiment orienté jazz. Lorsqu’ils m’ont contacté pour ce projet, c’est parti sur un tout autre répertoire et un autre univers musical que le jazz. Bien que le jazz soit sous-jacent dans la musique de Wabjie, ce n’est pas la pierre angulaire de cet édifice. Il y figure un mélange d’influences assez diverses et le travail au niveau des arrangements est 100% collectif et peut emprunter n’importe quelle direction sonore. Le répertoire actuel vient d’ailleurs d’être enregistré au studio de la Fonderie à Fribourg et un album est prévu au printemps 2021.
La Pépinière : Pour la suite de cette interview, nous avons la chance d’être rejoints par Soraya et Michel, les deux autres membres du groupe. Merci d’être là ! Sur le site, on peut trouver la signification du mot « Wabjie », qui désigne les herbes ou mousses qui poussent malgré tout entre les pavés. Pourquoi ce nom ?
Soraya : C’est un mot qui nous correspond bien : nous sommes ces mousses, et notre musique pousse même dans les conditions les plus difficiles.
La Pépinière : Dans le descriptif du projet, vous parlez de « musique personnelle », regroupant les influences de chacun. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces influences et le résultat que cela donne ?
Sam : Pour ma part, je puise pas mal d’influences dans le registre metal, l’énergie, la puissance, le côté « riffs », « rythmique », etc… et en parallèle la musique improvisée et le travail autour du son que j’ai pas mal développé notamment à travers le jazz. Avec Wabjie, on développe des riffs que l’on travaille, qu’on entraîne comme des muscles et qui ressortent ensuite dans les morceaux du répertoire. L’improvisation collective dans le trio est mise au service de tous ces différents riffs.
La Pépinière : En écoutant les extraits que vous m’avez envoyés, on peut entendre une multitude d’univers : des sonorités jazz, un style plus proche du blues, on a parfois l’impression de voir quelques influences de la musique contemporaine, avec ce piano dissonant. Les paroles, portées par la magnifique voix de Soraya Berent, semblent assez simples, voire formée d’onomatopées, mais souvent percutantes,. Quelle était la volonté derrière ces choix ?
Soraya : Au niveau vocal, il s’agit d’utiliser la voix comme un instrument, la mise en bouche des syllabes/textures sonores, les consonnes rythmiques s’allient aux sons de la batterie.
Michel : On est loin de la musique contemporaine. Par contre, il y a un travail sur l’harmonie qui se refuse à se limiter au sucré et à la consonance, politiquement correcte dans la pop. Je ne sais pourquoi notre société appauvrit à ce point le goût des sons. La musique dominante rejette toute dissonance. C’est comme si on rejetait tous les goûts un peu corsés : le vin, le fromage, l’aigre doux, le poivré, etc, etc. Et qu’on se contentait des choses joliment sucrées ou salées. Il faut dire que la plupart du temps, il n’y a pas d’initiation, de culture, de développement du goût sonore, contrairement au vin justement (la première fois qu’on boit du vin, on trouve ça dégueulasse généralement, il faut l’apprivoiser, puis on l’apprécie, même chose avec un fromage bleu).
La Pépinière : Pour conclure, quels sont les futurs projets du trio ? On imagine aisément que les concerts sont compromis pour l’instant…
Sam : Effectivement, il y a très peu de dates pour l’instant, mais le groupe est en pleine phase de mixage autour de l’album récemment enregistré, c’est un travail de longue haleine, et on espère sortir ça l’an prochain et, dans la mesure du possible, le promouvoir au maximum sur scène.
La Pépinière : Sam, Soraya et Michel, merci pour votre temps, et bon vent à Wabjie ! On se réjouit d’entendre le résultat une fois le mixage terminé !
Propos recueillis par Fabien Imhof
Pour écouter quelques extraits des morceaux de Wabjie, direction Soundcloud !
Photo : © Michel Wintsch