La plume : créationLa plume : littératureRécit participatif n°2 : La Geste d'Avant le Temps

La Geste d’Avant le Temps : épisode 28

Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?

Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.

La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !

Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !

Alors, vous nous suivez ? C’est parti !

Retrouvez le début du feuilleton ICI !

* * *

Épisode 28 : le dilemme d’Angélus

À quelques kilomètres de là, Angélus bêchait une rangée de secondains qui venaient de germer.

Autour de lui, les champs des Plantations Temporelles tic-taquaient dans un joyeux rythme, sous la lumière de l’astre Tempo. Le son avait quelque chose de rassurant, et empêchait Angélus de songer au bruit qui résonnait sans cesse dans sa tête. Ce bruit, il en était sûr, c’était celui d’une harpe.

Et c’était ça, le plus étrange : il n’y avait pas de harpes sur Rizator-III! Les Voyageurs Temporels (comme son Oncle Sexte) avaient bien la réputation d’être des musiciens – n’empêche qu’ils n’utilisaient pas de harpe. Des tambourins, des flûtes ou d’étranges petits objets qui faisaient pouiiiic (et dont Angélus ignorait le nom), ça oui – mais pas des harpes. Pourtant, Angélus avait bien reconnu le son : quand il était enfant, il était tombé sur un très vieil enregistrement, conservé par son grand-père. Les notes étaient cristallines, aussi claires et mélodieuses que des graines d’heurge qui s’écoulent dans un tamis. Son grand-père lui avait raconté que les harpes venaient d’un monde très lointain. Sur Rizator-III, personne ne savait en fabriquer. On disait aussi que, de tous les instruments, c’était elle qui pouvait le mieux venir à bout des Mange-Temps : celui qui jouait de la harpe pouvait contrôler les Mange-Temps à sa guise – et les forcer à le suivre où bon il lui semblait. On disait même que celui qui jouait de la harpe à la perfection pouvait contrôler… le Temps lui-même.

Angélus haussa les épaules.

Pour lui, le temps n’était pas un élément qu’on pouvait contrôler, comme un animal qu’on dresse. C’était une chose qui se plantait, qui germait, qui poussait, qui mûrissait, qui se récoltait… et qui se vendait sur les Marchés Temporels. Ceux qui en avaient besoin l’achetaient et l’emportaient avec eux. Pour en faire quoi ? Angélus n’en avait pas la moindre idée. Il s’efforçait d’être terre-à-terre, comme tous les cultempvateurs : lui, il plantait et il récoltait, voilà tout. Pourtant… pourtant, il se disait qu’un cultempvateur bien respectable ne devrait pas entendre de la harpe et des voix qui venaient de n’importe où. Un bon cultempvateur dormait sur ses deux oreilles, après une honnête journée de travail. Voilà ce que devait fait un cultempvateur comme il faut. Il planta sa bêche dans la terre. Les aventures et les prodiges, c’était bon pour les Voyageurs Temporels – pas pour les cultempvateurs. Un cultempvateur normal n’aurait pas envie d’élucider ce mystère, non ? N’aurait pas envie d’entrer en communication avec… avec… quoi ou qui que ce soit qui produisait ce son de harpe, non ? Sûrement pas.

Angélus s’épongea le front.

Il devait bien se rendre à l’évidence : s’il trouvait un moyen de trouver des réponses à ses questions, il n’hésiterait pas. Il leva la tête. Dans le lointain, la haute tour des Gardiens du Temps se dressait au milieu des champs, comme un gigantesque rappel de la loi implacable qui régnait sur Rizator-III. Les Gardiens n’étaient pas des tendres et la Galaxie du Fuseau se pliait à leur bon vouloir. C’étaient eux qui fixaient le prix des graines de temps, eux qui décidaient quelles planètes avaient le droit d’acheter la précieuse marchandise… et quelles autres n’y pouvaient prétendre. On racontait que la nouvelle Diacre qu’ils avaient élue à leur tête était plus implacable que ses prédécesseurs. Angélus ne l’avait aperçue que de loin, le jour de son intronisation : ses cheveux violets glissaient sur ses épaules comme une étoffe… Les Gardiens du Temps faisaient la pluie et le beau temps, et ils entendaient bien que tout le monde reste à la place qui lui était due : les Voyageurs Temporels, à la chasse aux Mange-Temps ; les cultempvateurs dans les champs. Sans doute verraient-ils d’un très mauvais œil les drôles de sons qu’il entendait dans sa tête…

Angélus en était là de ses réflexions quand tout à coup, une lumière éclatante déchira le ciel. Quand il rouvrit les yeux, le tic-tac des champs temporels avait cessé.

Magali Bossi

Photo : ©Goumbik

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Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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