La Geste d’Avant le Temps : épisode 3

Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?

Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.

La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !

Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !

Alors, vous nous suivez ? C’est parti !

Retrouvez le début du feuilleton ICI !

* * *

Épisode 3 : l’ombre menaçante

Elestra jouait.

Hypérion était comme ensorcelé par cette belle mélodie. Dans la lumière du printemps, le monde lui paraissait évanescent : il se limitait à la mélodie presque silencieuse (tant elle était ténue), qui émanait de la harpe. Pour Hypérion, Elestra était une artiste plus que talentueuse. Ses songes furent coupés court :

« Cela t’a plu, Hypérion ? » demanda Elestra avec un sourire.

Il répondit un petit oui : il ne savait que dire d’autre, sa timidité l’empêchait de crier haut et fort que pour lui, c’était grandiose. La journée filait lentement… mais, peu à peu, le soleil s’obscurcit : les nuages le disputaient à la lumière, l’air devenait de plus en plus lourd.

Un son soudain se fit entendre… puis la terre trembla et, le son se transforma en vacarme insoutenable et – le monde sembla s’effondrer.

Dans ce tapage, des créatures étranges – que dis-je !… immondes, et qui ne ressemblaient à rien de descriptible, descendirent soudain de la colline. Crocs, griffes, ailes, tentacules : tout était brouillé par la rapidité de leur allure. Comme un seul être, elles se dirigèrent vers le village et fondirent sur les toits et les cheminées qui se dessinaient au loin…

Dans le pré, Hypérion et Elestra se levèrent. Ils voyaient l’ombre menaçante se mouvoir – de plus en plus vite, de plus en plus vite… qu’est-ce que c’était ?

« COURS ! » cria Elestra.

Hypérion, blanc et droit comme un cierge, ne bougea pas, malgré les cris de son amie. Courir ? Où ça ? Lui voulait se battre – mais était-ce seulement raisonnable ? Il n’était qu’apprenti horloger et Elestra n’était pas une bagarreuse. S’il lui était arrivé parfois d’affronter d’autres garçons du village à coup de poings, Hypérion ne se sentait pas de taille à affronter une menace aveugle et inconnue… sans compter que le petit couteau qui ne le quittait jamais avait une lame si émoussée qu’elle semblait partir en lambeaux !

Elestra le tirait par le bras :

 « Hypérion ! Dépêche-toi ! Allons prévenir les autres, je t’en supplie… ! »

Hypérion était paralysé entre l’envie de la suivre et celle de se battre. Son cœur et son âme étaient en désaccord – sans compter la peur qui le clouait sur place. Le dilemme était kafkaïen : il se sentait comme une biche devant un chasseur. Sauver sa vie ? Affronter l’ombre ? Fuir ? Que fallait-il faire ?

Son hésitation fut fugace : un cri rauque déchira brutalement l’air.

Ethan Heinle

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Photo : ©LUM3N