La Geste d’Avant le Temps : épisode 40
Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?
Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.
La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !
Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !
Alors, vous nous suivez ? C’est parti ! Retrouvez le début du feuilleton ICI !
* * *
Épisode 40 : le complot
L’être qui se faisait appeler « Je’An » tournoyait dans les corridors du Temps.
Revenu de Rizator-III, il avait repris sa véritable forme et crachait de colère. Crocs dénudés, ailes déployées, il se laissait flotter dans le flot du Temps, lacérant les murs et les portes de ses griffes. Si proche – si proche ! Il avait été si proche du but ! Des semaines, des mois, des années de préparation minutieuse… et pour quoi ? Pour que cet imbécile d’Hypérion s’aperçoive du pot aux roses au dernier moment !
Pourtant, son mensonge tenait la route : il l’avait peaufiné… lorsqu’ils étaient revenus dans le monde du garçon, au milieu de la caverne du Désert des Larmes Sèches, après leur départ précipité de la Gare, il lui avait servi le boniment qu’il avait spécialement concocté pour lui. Ça avait été facile – si facile d’endormir la méfiance du garçon ! Hypérion ne demandait qu’à le croire, hébété par ce qu’il avait vu à travers les portails, impatient de retrouver son Elestra. Alors, l’être qui se faisait appeler « Je’An » avait menti, pour s’en faire un allié. La pilule du mensonge était passée toute seule : le garçon était naïf et ne connaissait rien des lois qui régissent l’Univers, après tout…
EIEN… le monde virtuel… les ennemis-cachés-dans-la-zone-interdite-du-nord… foutaises !
Tout était réel : les portails, la Gare, les graines de temps, Rizator-III… lui-même était bien placé pour le savoir ! Il n’y avait pas de monde virtuel, pas d’ennemis cachés, pas d’ordinateur conçu par les Fre’Hem… à ce qu’il en savait, du moins. Car il n’était pas un Fre’Hem, il était un Mange-Temps – le plus redoutable, le plus puissant de tous. De rage, il griffa une porte temporelle, et s’enfonça plus loin dans le labyrinthe des corridors. « Je’An » n’existait pas – pas plus que le monde virtuel d’EIEN. Eien était… Eien n’était pas une virtualité numérique ; c’était la Vibration, celle qui contrôlait le Temps, celle qui régissait la vie, l’Univers même – et pour cela, l’être qui se faisait appeler « Je’An » la détestait.
Ça faisait des siècles, des millénaires… et il la détestait toujours autant.
Il la détestait car elle avait privé son peuple de son pouvoir ; elle avait réduit les Yûbokujis à des moins que rien – alors qu’ils étaient les plus puissants, ceux qui auraient dû régner sur l’Univers entier ! Pourquoi leur avoir donné le libre-arbitre, si c’était pour refuser qu’ils s’en servent ? N’avaient-ils pas le droit de dominer et d’écraser plus faibles qu’eux ? Mais Eien en avait décidé autrement… tout était de la faute d’Eien. Alors, lui, le plus puissant des Ôyajis, le Sage parmi les Sages, avait fomenté sa vengeance. Ça avait pris longtemps, très longtemps. Grâce à son pouvoir, il avait pris le contrôle de ce qui restait de son peuple, pour retourner la malédiction à son avantage. Eien les avait changés en Mange-Temps ? Très bien – alors ils allaient vraiment manger le Temps pour le faire disparaître. Plus de Temps, plus de vie. Plus d’Eien, donc.
Voilà toute l’astuce. Ses ailes frémissaient d’excitation, en se remémorant les ficelles de son sombre dessein.
Les siens lui avaient obéi sans discuter… et peu à peu, les raids de Mange-Temps s’étaient intensifiés, touchant tous les mondes, se concentrant sur Rizator-III. Il n’y avait que Nanji qui lui avait résisté – mais Nanji avait été bannie et ne représentait plus un danger. C’était facile de voyager de planète en planète, depuis que la Gare temporelle existait. Il suffisait juste d’éviter ceux qui posaient des pièges à leur attention. Lentement, sous ses ordres, les Mange-Temps avaient figé de plus en plus d’endroits dans l’Univers, volant du Temps pour devenir de plus en plus puissants. Mais ce n’est pas encore suffisant. L’objectif final, c’était Rizator-III – là où poussent les graines de Temps, là où le pouvoir d’Eien est le plus puissant. Et une fois Rizator-III sous sa coupe…
L’être qui se faisait appeler « Je’An » frémissait de plaisir. Il régnerait sur l’Univers – plus puissant qu’Eien elle-même.
Bien sûr, il y avait cette stupide prophétie… Au jour où la princesse reviendra… nianiania… et cette histoire de harpe ! Voilà qui pouvait mettre à mal ses plans ; il ne pouvait pas se le permettre. C’est pour cette raison qu’il avait fait enlever Elestra et l’avait mise en lieu sûr, enfermée dans les corridors du Temps. Pas question que ces abrutis de Gardiens viennent ficher le nez dans ses affaires – et surtout pas leur nouvelle Diacre, une ancienne Voyageuse Temporelle nommée Boru… une sbire à la solde d’Eien ! Il les haïssait, il les haïssait tous.
Voilà pourquoi il s’était rapproché d’Hypérion ; voilà pourquoi il était devenu son ami.
Multiforme comme tous les Mange-Temps, il avait pris les traits de « Je’An ». Il avait bâti la fable du monde virtuel pour convaincre le garçon de se méfier de tout le monde – de considérer les suppôts d’Eien comme des ennemis ! Ah ! Comme c’était drôle ! Et, si son plan avait marché, il aurait fait d’une pierre deux coups : il se serait débarrassé d’Elestra et d’Hypérion, tout en pouvant accéder à Rizator-III…
Mais il avait été négligeant – terriblement négligeant. Impatient.
C’est ce qui l’avait perdu. À présent que le garçon avait vu sa vraie apparence en débarquant sur Rizator-III, il était hors de question qu’il lui fasse à nouveau confiance. Plus question, non plus, de remonter les couloirs du Temps : ses derniers voyages l’avaient épuisé et retourner dans le passé pour en modifier le cours lui prendrait trop de forces… Heureusement, il lui restait Elestra : tant qu’il l’avait en son pouvoir, rien n’était perdu. Un claquement de tentacule et il flotta devant la porte derrière laquelle il avait enfermé la jeune fille. L’air sentait la charogne – la charogne et le marécage. Il aimait cette odeur. La porte s’ouvrit sans bruit, comme le font toutes les portes temporelles. Il jeta un coup d’œil à l’intérieur, prêt à se réjouir…
… mais rien. La salle était vide. Elestra avait disparu. L’être qui se faisait appeler « Je’An » poussa un hurlement, un long cri glaçant qui n’avait rien de vivant… la porte claqua. Les Gardiens du Temps… c’étaient eux qui avaient fait le coup, il en était sûr ! Leur stupide prophétie… le couronnement était proche… la Diacre… Boru… Eien ! Il devait empêcher ça.
Il ne lui restait plus qu’une solution : forcer le passage jusqu’à Rizator-III et remettre les griffes sur Elestra. Quoi qu’il en coûte.
Magali Bossi
Photo : ©deep377
La suite, c’est par ICI !
Et pour retrouver tous les épisodes, c’est par LÀ !
Ping : La Geste d’Avant le Temps : épisode 39 – l a p e p i n i e r e