La plume : créationLa plume : littératureRécit participatif n°2 : La Geste d'Avant le Temps

La Geste d’Avant le Temps : épisode 54

Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?

Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.

La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !

Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !

Alors, vous nous suivez ? C’est parti ! Retrouvez le début du feuilleton ICI !

* * *

Épisode 54 : méandres de bibliothèques

Elestra et Nanji pénétrèrent sans encombre dans la tour des Gardiens du Temps. Le chemin était comme tracé. Boru ne pleurait plus ici-bas, mais sa présence imprégnait les lieux.

Elestra se demandait combien de temps elles mettraient à dénicher la bibliothèque des Gardiens parmi ce lot de marches, ces textures franchement peu faciles sur lesquelles elles ne parvenaient pas à s’accrocher et ces minons de poussière. Elle naviguait à vue !

Nanji faiblissait à mesure qu’elles avançaient. Quelle course éreintante ! Après tout, les coléoptères ne pouvaient se gausser d’une endurance sans faille. Elestra défendait sa volonté contre tout obstacle : elle ne voulait pas tourner en rond, passer d’une pièce à l’autre avec cette impression exécrable de n’être jamais au bon endroit, au bon moment… Puis elle leva les yeux et vit Nanji qui se concentrait. Celle-ci se courba vers l’avant, fit frémir son céphalon. Elestra eût alors l’impression d’être écartelée, néanmoins sans aucune douleur – un sentiment bien étrange dans cet endroit. Un de plus, se dit-elle. Elle avait retrouvé sa taille normale et se rendait compte que… mazette ! Dans chaque marche de la Tour se dessinaient de gros volumes, des recueils de plus de mille lettres qu’elle avait purement et simplement enjambés rapidement lors de sa première fuite. Elle comprenait maintenant pourquoi l’ascension avait été si délicate. Il avait fallu franchir, page après page, les quelques quinze centimètres qui reliaient une marche à l’autre. Alors, de ces marches-bibliothèques, un ouvrage sortit du lot. Il formait le dernier cran de cet escalier curieux et l’on pouvait même voir à travers. Elestra, retrouvant de l’aplomb, s’approcha pour lire la première de couverture. Ses yeux, dont elle savait désormais apprécier la grandeur – les yeux hypertrophiés de ver luisant avaient été bien pratiques pour la fuite, mais en matière de confort oculaire… – ripèrent sur les premières lignes. Par manque de lumière, elle déchiffra C…h…ers Oi…seaux. Nanji vient lui prêter son abdomen en guise d’ampoule. En première page, Elestra poursuivit :

« Chers oiseaux de bureau, chers rapaces familiers, si vous vouliez bien mourir ou du moins disparaître, cela me serait d’un grand réconfort, cela m’apaiserait. Mais vous êtes là pour durer, tel est même votre but unique et commun, durer jusqu’à épuisement de tout le stock de points de retraite, puis de points de suspension, puis en apnée, vous durerez encore jusqu’à ce que le progrès permette le labeur éternel avec bouteilles d’oxygène à recharge automatique… »

Elestra et Nanji se regardèrent, avec l’intuition d’avoir trouvé une clef, mais sans parvenir plus loin :

« Bien sûr il y a les dossiers. Bien sûr il y a les classeurs, debout pour les plus rigides, couchés et superposés… »

Elestra ne s’arrêtait plus, hum hum, quelle rage d’écrire

« …les claviers d’ordinateur qui peuvent se dresser sur les pattes arrière et faciliter ainsi le travail bien fait, ainsi qu’inévitablement… »

Ce texte ressemblait à une théorie, un plaidoyer. Rien qu’en le lisant, Elestra tressaillait. Il lui rappelait les chants forts, emprunts d’une force de conviction inouïe, qu’elle reproduisait à la harpe. Aucun doute, ce texte avait été écrit pour une révolution, un vœu de retournement, d’évènement irrémédiable. Elle se souvenait vaguement d’une discussion houleuse menée avec Hypérion mais – Stop. Reste concentrée, bon sang ! se souffla-t-elle.

Nanji, quant à elle, était redescendue d’une page ou plus. Mais, vite, ses mouvements saccadés laissaient apparaître un affolement réel : elle était bien en train d’être compressée entre deux lourdes feuilles, plutôt voraces ! Elestra enfila sa main sans hésiter, et, tandis que Nanji extirpait ses précieux tagmes, tardait à retirer ses longs doigts des pages. Il y avait là comme une formule haptique. Elle devina un H. Hypnotique tout ça

Laure-Elie Hoegen

Photo : ©Free-Photos

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Laure-Elie Hoegen

Nourrir l’imaginaire comme s’il était toujours avide de détours, de retournements, de connaissances. Voici ce qui nourrit Laure-Elie parallèlement à son parcours partagé entre germanistique, dramaturgie et pédagogie. Vite, croisons-nous et causons!

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