Du jardin au balcon : épisode 30

C’est le printemps ! Des jardins aux balcons, la belle saison est là… mais, quand on est enfermé.e.s à l’intérieur, difficile d’en profiter.

Du jardin au balcon est un projet d’écriture participative qui veut remédier à cette situation. La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents – amateurs, confirmés, loufoques, sérieux, timides ou exubérants. Un seul mot d’ordre : faire vivre le printemps, en observant ce qui est là – de l’autre côté de la fenêtre, sous le balcon, dans le jardin.

Entre le feuilleton et le cadavre exquis, Du jardin au balcon vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures rocambolesques. À l’issue du projet, nous aimerions envoyer gracieusement le texte ainsi produit aux EMS du canton, afin d’apporter à leurs pensionnaires un peu de printemps, en cette période troublée.

Alors, vous nous suivez ? C’est parti !

Retrouvez le début du feuilleton ICI !

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Épisode 30 : le jour-J

De son côté, l’Ancien n’a pas perdu une miette du projet d’Aglaë et ses comparses : l’air de rien, il a suivi leurs conciliabules. Et là, TOC-TOC-TOC, il saisit son bâton et dit, l’œil brillant :

«  C’est votre idée, les jeunes ? On va bien voir si ça marche. Au boulot ! »

Il semble transformé, comme si ce nouveau départ avait mis un peu de vie dans son corps fatigué. Aussitôt dit, aussitôt fait ! Dans les jours qui suivent, les trois amis ne chôment pas.

Aglaë chapeaute l’organisation. Sidoine, grâce à ses contacts dans une radio locale, utilise sa gigantesque collection de sons pour enregistrer une annonce diffusée sur les ondes. Skipy, quant à lui, peint des affiches aux couleurs tapageuses : « ICI, ON RÉPARE montres, réveils, goussets, horloges en tous genres ! » et « CRÊPES / CAFÉ, venez vous régaler ! ». Le perroquet Kiri joue les entraîneurs en distribuant des « OOOON Y VAAA ! OOOOOOOON Y VAAAA !!! » d’encouragement.

Au matin du grand jour, ils sont prêts. L’Ancien a son plus beau sourire d’ogre – et les mains qui tremblent. Il ne reste plus qu’à attendre…

Attendre… attendre…

La première heure : personne. La place de Sardaigne est plus vide qu’un magasin de jouets après les soldes de fin d’année. Aglaë mâchonne une crêpe, Skipy griffonne sur une serviette, le perroquet fait des TACATACATAC endormis. C’est mort de chez mort. Et tout à coup… le coup de génie ! Sidoine, d’habitude timide, se métamorphose : mû par une soudaine inspiration, il monte sur un banc et harangue les badauds qui pointent le bout de leur nez. Mesdames et Messieurs, oyez, oyez ! Venez découvrir… Aglaë n’en croit pas ses yeux. Même le canard ponctue le discours de son maître avec des COIN-COIN très à propos.

La place se remplit… se remplit… SE REMPLIT !

On amène ses montres, ses horloges, ses goussets, ses morbiers, ses Neuchâteloises, ses réveils – l’Ancien a tellement à faire qu’il ne relève plus la tête de son ouvrage. À côté de lui trône le coucou cassé, comme une revanche sur le destin. Le stand de crêpes est bondé : même la redoutable Mme Goudy a quitté le Royal Kitten pour se joindre aux gourmands…

À quinze heure, Aglaë s’effondre sur une chaise, les jambes raides.

« J’en peux plus ! »

La place est plus tranquille. L’opération a été un succès ! L’Ancien lève la tête de son atelier et étire sa nuque. Il ferme les yeux un instant – lorsqu’il entend :

« Bonjour, Hansel. »

Il les rouvre. En face de lui, il y a une femme aux cheveux argentés.

Osilda Crausaz

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Photo : © Fabien Imhof