La plume : créationLa plume : littératureRécit participatif n°3 : Et la marmite se brisa

Et la Marmite se brisa : épisode 17

Vous aimez les enquêtes et les énigmes ?

Vous rêvez de courir après les meurtriers, d’élucider des crimes, d’être aussi habile que Sherlock Holmes, aussi perspicace qu’Hercule Poirot ? Les interrogatoires ne vous font pas peur et les indices, c’est votre rayon ? Bienvenue dans Et la Marmite se brisa, une fabuleuse enquête de Miss Apfel !

Et la Marmite se brisa est un nouveau récit participatif lancé par La Pépinière à l’automne 2020. Entre le feuilleton et le cadavre exquis littéraire, nous avons réuni des autrices et auteurs de tous bords : amateur.trice.s, confirmé.e.s, déjanté.e.s, sérieux.ses, jeunes ou plus âgé.e.s… Après le succès de nos récits participatifs précédents (Du jardin au balcon et La Geste d’Avant le Temps), les voilà prêt.e.s à s’embarquer pour une nouvelle aventure, sans savoir ce qui les attend. Cap sur le polar helvétique !

Pour cette première aventure de Miss Apfel (qui évoque bien sûr la Miss Marple d’Agatha Christie), plongez dans les secrets historiques de Genève…

Alors, ça vous tente ?

Retrouvez le début du feuilleton ICI !

* * *

Épisode 17 : Un cadavre au Musée !

Poste de Police, Genève.

Le 11 décembre, 9h.

Tabazan a finalement trouvé le sommeil entre 2 et 6h du matin.

Il a dormi comme un bébé, malgré les litres de caféine : il avait surestimé sa fatigue. À six heures tapantes, il a émergé d’un rêve étrange, qui avait pour protagoniste principale l’insupportable Miss Apfel. Elle avait obtenu une offre pour reprendre le poste d’inspecteur, et lui, Tabazan, était relégué à la circulation. Ses collègues riaient de lui, dans une scène distordue, alors que Miss Apfel, avec son regard de fouine, lui répétait qu’elle ferait appel à lui de temps en temps pour ses enquêtes.

À son réveil, Tabazan s’est éjecté hors de son lit, glissé sous une douche très tiède et s’est rendu au pas de charge au poste de police. Il doit de toute urgence mettre la main sur l’individu qui est à l’origine de ce chaos. Depuis sept heures du matin, il tourne en rond dans son bureau, observant par coups d’œil le tableau d’affichage au mur. Il y a disposé tous les éléments de son enquête, fait tous les liens, afin de s’assurer qu’il n’a rien laissé passer. Il s’arrête quelques secondes, repassant pour la énième fois les informations en sa possession.

En ce qui concerne le défunt retrouvé à l’Ancien-Arsenal, tout est sous contrôle du côté des légistes. Il y a une piste potentielle, mais pour le moment impossible à retracer : le dessin en forme d’oiseau sur la main de la victime… dommage que l’analyse de l’encre n’ait rien donné, se dit Tabazan. Peut-être qu’identifier le dessin débloquerait la situation… En attendant, les témoins ne se bousculent pas au portillon : à part les trois éboueurs, personne n’a rien vu, rien entendu. Il y a évidemment cette histoire de marmite et d’yeux, qui reste un mystère et qui laisse présager une nouvelle victime. Mais comment retrouver quelqu’un qui est peut-être mort, mais qui n’a pas encore été déclaré comme ayant disparu ? L’autre imbécile de Dunant parlait d’une correspondance d’ADN à 25% avec un certain Robert Lambert… et évidemment, il y a cette substance dans laquelle flottait les yeux dans la marmite.

Tabazan se passe les mains dans les cheveux. C’est infernal : cette enquête est parsemée de détails, d’éléments étranges – des messages à l’encre sympathique, des carottes en massepain, de potentiels témoins qui perdent la boule… François Royaume semble en savoir plus qu’il ne le dit, mais Tabazan doit admettre – et il se mord l’intérieur de la joue en formulant cette pensée – que Miss Apfel a raison : Royaume sera inutile s’il est trop hystérique pour parler. La vieille perruche l’a appelé ce matin, lui expliquant, de sa voix mielleuse, qu’elle allait tenter une approche avec Royaume. Elle a parlé d’une séance d’hypnose… Tabazan n’a pas réussi à dissimuler son dédain quand il lui a répondu. De l’hypnose ? Et puis quoi encore ? Un exorcisme tant qu’on y est ?

L’inspecteur s’intime de reprendre son calme. Il a du pain sur la planche. Les journaux sont déjà en train de hurler au scandale, parlent de l’annulation de la fête de l’Escalade… et le téléphone du poste de police qui n’arrête pas de sonner…

Trois coups brefs résonnent contre la porte de son bureau, puis la tête ronde et joviale de l’adjudant Danltaz apparaît :

« Chef, on a des nouvelles. »

« J’espère qu’elles sont bonnes… »

Devant l’hésitation de l’adjudant Danltaz, Tabazan soupire.

« Allez-y, balancez… »

« Alors, on a trouvé Robert Lambert, le supposé parent des yeux orphelins. »

Danltaz rit timidement à sa blague. Tabazan se crispe :

« J’ignorais que les forces de police s’étaient lancées dans l’humour ! On fait quoi ? On vous réserve un créneau à la Comédie pour que Dunant et vous puissiez faire vos blagues devant un public de mamies ? »

Danltaz rougit jusqu’à la racine des cheveux :

« Désolé, Chef. Donc, euh… oui… Robert Lambert est incarcéré à Champ-Dollon. Il a encore deux ans à tirer. Vous pouvez passer le voir dans la journée, tout a été arrangé. »

Surpris, Tabazan se laisse aller contre son fauteuil.

« Eh ben ! C’est une bonne nouvelle, ça ! »

« Euuh… C’est pas tout. On vient de recevoir un appel : un cadavre a été découvert ce matin. Derrière le Musée d’Art et d’Histoire… Un homme, auquel il manque les… les yeux… »

L’œil gauche de Tabazan tremble. L’inspecteur serre les poings et, alors que Danltaz recule, conscient qu’il est face à l’équivalent du Vésuve sur le point de lui exploser à la figure, un grognement monte de sa gorge :

« Vous vous foutez de moi ??! Vous prenez le temps de faire des blagues, de rire de votre humour de chiottes, alors qu’un cadavre se balade en Vieille-Ville ???! »

« Alors… techniquement, il ne se balade pas… », tente Danltaz pour désamorcer l’éruption.

« Foutez-moi le camp !!!! »

*

Musée d’Art et d’Histoire de Genève.

Le 11 décembre, 9h45.

Les badauds se bousculent près de la courette du Musée d’Art et d’Histoire. Les officiers de police présents tentent de disperser la foule. Sans grand succès. Les habitants de la ville sont à la fois choqués et fascinés : deux cadavres en à peine plus de 24h et un mystère qui semble s’épaissir encore et encore. Tabazan remonte le col de sa veste. Il comprend l’engouement de la foule et, colère et frustration mises à part, il doit reconnaître que présentement, son job le passionne.

« Bon, est-ce que quelqu’un peut me briefer sur ce qui s’est passé ? »

Un jeune agent de police approche, hésitant. Un homme, bedonnant et chauve, en chemise, le suit.

« M’sieur, voici la personne qui a découvert le corps ! »

Tabazan fait un signe de tête à l’homme à la calvitie :

« Bonjour. Racontez-moi ce qui s’est passé. »

« Alors euh… ce matin je suis arrivé », commence l’homme de sa voix traînante. « Je suis responsable de l’entretien du musée, vous voyez. Et le musée, c’est pas seulement ce qu’il y a dedans. C’est aussi dehors. Vérifier qu’y a rien qui traîne… des fois on a des jeunes qui s’installent dans la cour. Ils boivent des bières. Je le sais hein, parce qu’ils jettent les canettes. Mais pas à la poubelle ! Non non, ils s’en fichent de qui nettoie derrière eux… »

Tabazan se racle la gorge. Entre Danltaz et le concierge bavard, il est au bord de l’implosion. Et il n’est pas encore dix heures.

« Bref, ce matin j’allais faire ma tournée dans la cour et j’ai trouvé le… le… le… »

« Le cadavre », termine Tabazan. « Et donc, est-ce que vous avez repéré quelque chose de suspect ? Quelqu’un de bizarre dans le coin ? »

L’homme secoue la tête. Tabazan hoche la sienne et se tourne vers le jeune officier de police, qui est resté près de lui :

« Ok. Montrez-moi ce qu’on a… »

Il approche du cadavre et ne parvient pas à masquer un air de dégoût. Le corps a été disposé sur une brouette. Un étui a été posé contre elle, et, à la place des yeux, enfoncés dans les orbites ensanglantées, se trouvent deux carottes.

« Laissez-moi deviner », marmonne Tabazan. « Du massepain ? »

Joana Mailler

La suite, c’est par ICI !

Et pour retrouver tous les épisodes, c’est par LÀ !

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Photo : © caro_oe92

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