Les réverbères : arts vivants

Home sweet home : bienvenue à Saint-Gervais !

60 ans que ça dure ! En cette saison 2023-2024, le Théâtre Saint-Gervais fête un jubilé particulier : en 1963 est inaugurée la Maison des Jeunes et de la culture – MJC, pour les intimes. Depuis, 60 saisons se sont succédé au fil des compagnies, des troupes, des artistes et des projets qui ont investi les neuf étages du bâtiment. Alors, on fête ça ensemble ?

*Maison*, c’est le titre sous lequel s’inscrit la saison 2023-2024… et vous allez voir, le Théâtre Saint-Gervais va tout faire pour vous accueillir dans son enceinte – comme à la maison. Au programme ? Une kyrielle de pièces, performances et spectacles détonants ou étonnants, qui surferont sur d’éclectiques thématiques. De l’opéra à la science-fiction, de Don Quichotte revisité aux Liaisons dangereuses réécrites, en passant par du stand-up, de la comédie musicale et des drames sur fond de faits divers, les artistes mettront sur le devant de la scène des questions sociétales et écologiques, familiales, historiques ou encore géopolitiques.

On vous dit tout, il n’y a qu’à suivre le guide !

De l’automne à l’hiver…

Comme de coutume, la saison commencera avec deux spectacles en coréalisation avec La Bâtie – Festival de Genève. Du 9 au 11 septembre 2023, Thibaud Croisy vous proposera L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, pièce écrite en 1971 par l’auteur argentin francophone Raúl Damonte Botana (dit Copi). Moins que la « condition homosexuelle », c’est de la manière d’exprimer son identité malgré les limites du langage dont il sera question. Toujours dans le cadre de La Bâtie, Las Ulstracosas investira les lieux les 16 et 17 septembre : cette performance interdisciplinaire pensée par Cuqui Jerez réunira sept artistes, qui composeront ensemble une scène-tableau en métamorphose constante. De quoi penser autrement le rapport à l’art…

Changement complet d’ambiance du 28 septembre au 1er octobre, puisque c’est l’humoriste Rébecca Balestra qui montera sur les planches pour un one-woman-show au titre éponyme. Humour et auto-référentialité, on vous promet un stand-up pas piqué des hannetons ! En novembre, c’est à une plongée dans la science-fiction que vous convieront Isis Fahmy et Benoît Renaudin. Dans Lavina (présenté à l’occasion du GIFF – Geneva International Film Festival), ce duo d’artistes réinterprétera sur scène le roman éponyme de l’autrice Ursula K. Le Guin (une des grandes dames de la SF et de la fantasy américaines) : on y suivra le destin de la femme d’Énée, Lavinia, entre épopée antique, fondation de Rome et émergence d’une figure féminine forte… À ne pas manquer !

Du 16 au 18 novembre, on reste dans la science-fiction… mais avec humour, grâce à François Herpeux et au Groupe Fantômas. Dans La Force de la Farce, Patrice, humoriste raté, décide de créer une véritable bible de l’humour. Son objectif ? L’envoyer dans l’espace pour qu’il en demeure une trace… si le monde venait à s’effondrer. Entre intelligence artificielle, scénario apocalyptique et traversée comique du 20e siècle, Patrice le sait : il n’a plus beaucoup de temps pour y arriver…

Fin novembre, le festival Les Créatives s’invitera à Saint-Gervais grâce à Karelle Ménine. Dans Au bout du couloir, la mer, le condamné à mort N. écoute la radio depuis une prison texane. Ses correspondant·e·s lui adressent par ce biais un dernier message. Temps suspendu, rapport entre vie et mort, existentialité : un spectacle qui vous remuera, jusqu’au plus profond des os.

L’année 2023 s’achèvera avec une pièce de Heinrich von Kleist, écrite en 1808 et 1810. Mis en scène de Robert Cantalerra, Le Prince de Hombourg verra son héros surpris par la cour au milieu d’une crise de somnambulisme. Où s’achève le réel, où commence le rêve… ? La réécriture de Stéphane Bouquet montre un monde qui vacille sur ses fondations, faisant étrangement écho à notre propre époque…

… du printemps à l’été !

2024 s’ouvrira avec Quartett, dans lequel Heiner Müller imagine les retrouvailles de la comtesse de Merteuil et du vicomte de Valmont, protagonistes troubles et bien connus des Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos. Sous la direction de Maya Bösch, le duo érotique s’engagera dans une lutte, entre rhétorique et violence, pour dynamiter l’œuvre d’origine dont il est issu… À voir du 11 au 21 janvier 2024.

Place ensuite à Plutôt vomir que faillir, du 31 janvier au 3 février. Rébecca Chaillon et la Cie Dans le ventre s’empareront d’une thématique délicate : l’adolescence, moment de transformation et de doute par excellence. Corps qui change, douleur et résilience, dans cette quête de l’intime aux petits airs de tempête.

Chienne, de Marie-Pier Lafontaine (mis en scène par Fabrice Gorgerat, avec la Cie Jours tranquilles), nous tiendra tout autant en haleine. Du 8 au 11 février, cette « autofiction » (comme la qualifie son autrice) tentera de reconstituer le fil d’une enfance traumatique – le destin de deux fillettes, abusées par un père que protège une mère complice. Tout aussi bouleversant, Nous par le ciel si bas (rivières op3.) de Julien Mages continuera d’explorer des dynamiques familiales douloureuses : du 14 au 18 février, c’est la relation de deux sœurs qui sera au cœur de l’intrigue, entre angoisse, domination et solitude.

Revirement radical du 5 au 10 mars, avec Ars nova de Romain Daroles et La Filiale Fantôme. Et si l’opéra était, un jour, redécouvert par des scientifiques du futur ? Comment comprendraient-iels cette forme d’art si particulière ? Un exercice de pensée étourdissant… autant que You’re juste like a poster, de la Cie Your mom called the other day (but you weren’t home). Du 20 au 27 mars, cette comédie musicale se tournera vers la science-fiction, pour un show aux colorations pop et lo-fi[1].

Du 18 au 28 avril, Les Fondateurs s’empareront du héros de Cervantès, dans Quichotte, Traité de chevalerie moderne. Entre poésie et écho au monde contemporain, notre rapport aux textes historiques sera sur le devant de la scène. Ce rapport à ce qui fait l’histoire, ce qui fait les histoires se trouvera également au cœur de L’Union indestructible des républiques libres, du 14 au 19 mai. Cette mise en scène de Sandro Palese prendra comme point de départ un fait divers familial survenu en 1999 dans une banlieue de l’ex-RDA : le décès, par inanition, de deux enfants de 4 et 5 ans, laissés seuls pendant quelques jours par leur mère, partie en weekend avec son amant… Comment raconter l’iracontable ? Une tragi-comédie qui se construit comme une mise en abyme du théâtre lui-même.

La saison s’achèvera en juin avec la trilogie We’re here de Lola Giouse[2] (dates à venir) et Les Shadocks de Christian Geoffroy Schlittler (du 6 au 16 juin). La première s’intéressera aux rapports entre les êtres – amoureux, collectifs, amicaux, en prenant comme point de départ la communication et les sentiments. Le second questionnera ce qui nous éloigne et nous rapproche de nos voisins, puisque sa pièce interrogera le regard que porte la population suisse romande sur les « Frouzes » (comme il l’écrit). De quoi finir avec humour, entre autodérision et parodie… !

Et plus encore…

Cette saison anniversaire sera également l’occasion de rencontres, tables-rondes et expositions – autant d’autres propositions artistiques à découvrir dans l’écrin de la maison de Saint-Gervais. À vous, à présent, d’en pousser la porte !

Magali Bossi

La programmation complète et les détails de chaque spectacle sont à retrouver sur le site du Théâtre Saint-Gervais.

Photo : © Théâtre Saint-Gervais

[1] Style de musique underground apparu dans les années 1980 aux États-Unis, le lo-fi est l’abréviation de low-fidelity (“basse fidélité”) et s’oppose au high-fidelity (“haute fidélité”, ou hi-fi). L’accent est volontairement mis sur la recherche d’un son “sale”, à l’opposé des sonorités aceptisées plus main-stream.

[2] Si les deux premiers épisodes vous intéressent, vous pourrez les retrouver ici : https://lapepinieregeneve.ch/et-quand-les-mots-ne-suffisent-plus-que-reste-t-il/  et

https://lapepinieregeneve.ch/ode-a-la-solidarite-et-a-lempathie/

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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