La Geste d’Avant le Temps : épisode 47
Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?
Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.
La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !
Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !
Alors, vous nous suivez ? C’est parti ! Retrouvez le début du feuilleton ICI !
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Épisode 47 : le monde-miroir
Dans une autre version du Temps, la Diacre se trouvait dans un monde qui ressemblait étrangement à Rizator-III.
Après avoir quitté la tour et Euridy de manière précipitée, elle savait ce qu’elle avait à faire. Il était trop dangereux. Le plus dangereux de tous les Mange-Temps. Elle avait passé les dernières années à faire des recherches sur les Mange-Temps ; rassemblé des écrits d’un Temps révolu, d’une Ère passée ; étudié ces textes qui parlaient de ce qu’étaient les Mange-Temps avant. Ces textes étaient interdits, mais les Diacres des Gardiens du Temps, jadis, en avaient sauvegardé précieusement quelques-uns, bravant l’interdiction. Ils les avaient caché au plus profond de la bibliothèque de la tour, et protégés par des légendes visant à éviter que quiconque ne les consulte à nouveau (il était notamment dit qu’un Diacre tout juste proclamé s’était une fois faufilé dans la section des livres interdits et, ouvrant un des ouvrages défendus, s’était transformé instantanément en Mange-Temps… ce genre de fables avait suffi à décourager tout nouvel essai).
Boru avait eu l’intuition, en devenant Diacre, que ces livres renfermaient une part de vérité. Les Mange-Temps étaient plus qu’une simple vermine dévoreuse de graines de minutain.
Avant d’endosser sa fonction sur Rizator-III, elle avait été Voyageuse Temporelle. Elle avait combattu les Mange-Temps, capturé nombre d’entre eux. Sa faiblesse avait été son secret. Elle l’avait protégé de tout, elle avait réussi à se protéger, les protéger – mais elle avait dû les abandonner. Elestra… Et elle avait accédé au poste de Diacre des Gardiens du Temps, son secret sauf, mais désormais interdit pour elle. Elle avait donc levé cet autre interdit, les textes, les Mange-Temps. Et s’il y avait un moyen d’en finir avec ce combat ? La prophétie ? Elle avait secrètement étudié les textes en long, en large et en travers, pendant toutes ces années.
Pourquoi les Mange-Temps devenaient-ils de plus en plus voraces, de plus en plus… agressifs ? Pourquoi s’échappaient-ils toujours plus fréquemment de Rizator-III ? Qu’est-ce qui avait changé ?
Elle avait trouvé sa trace. Sa trace dans les textes, sa trace dans la dévastation que les Mange-Temps laissaient derrière eux. Elle ne pouvait pas l’affronter ; il restait toujours caché, laissant ses sbires répandre peur et dévastation en figeant les mondes. Mais Boru avait aussi trouvé Hypérion, celui de la prophétie. Un rapport d’attaque de Mange-Temps parmi tant d’autres, le nom d’un village, un monde – et Boru avait fait le lien. Le Temps de la prophétie approchait, donc le « retour au calme » annoncé… après ça, peut-être pourrait-elle les retrouver ? L’ironie du Temps : l’élue, la princesse, son secret, la harpe – tout avait été sous ses yeux depuis le début ! Mais la partie de la prophétie concernant le sacrifice était peu claire… pourquoi cette méfiance envers Eien ?… les pièces de puzzle commençaient à former… à former quoi ? Un espoir de paix pour Boru, la rédemption. Elle y croyait dur comme fer, et il devait être stoppé.
Ses recherches dans les livres interdits piétinaient depuis quelques temps, quand, soudain, elle avait appris l’existence d’Hypérion. Un éclair de compréhension ; elle s’était précipitée dans la bibliothèque. C’était ce livre, qu’elle avait mis de côté depuis un moment déjà, qui contenait la solution. Un vieux recueil de légendes parmi tous les volumes poussiéreux. Elle avait alors soufflé la poussière de la couverture… et lu d’une traite le livre. Elle avait retrouvé sa piste ; elle allait pouvoir le suivre s’il parvenait à atteindre Rizator-III, le monde parmi tous les mondes qu’il devait détruire pour assouvir son but ultime – la destruction du Temps. C’était chose faite, désormais : il avait réussi à entrer sur Rizator-III, Boru l’avait senti. Aussitôt, elle avait mis en place son plan. Elle n’avait juste pas réussi à expliquer la situation à Elestra et à retrouver la harpe, mais elle n’avait pas – plus le Temps. Si elle parvenait à le stopper, tout serait sauvé, la prophétie s’accomplirait et le calme reviendrait entre les mondes. Elle avait utilisé les techniques temporelles trouvées dans le vieux grimoire. Elle avait suivi sa piste dans les Corridors du Temps. Et il avait commis une erreur. Boru allait en profiter.
À présent, Boru se dressait entre les plants de secondain dans un monde qui était le miroir de Rizator-III.
Un monde qui était un des passés, présents, et futurs de l’Univers. Eien, la Vibration, avait créé le monde – mais sa création avait créé un double. La vibration avait un inverse, un peu à la manière des rides sur un étang, qui reviennent en arrière lorsqu’elles rencontrent un obstacle – et cet inverse avait aussi créé un monde. Agir sur ce monde-reflet signifiait agir sur le monde-réel.
Boru s’émerveillait d’avoir trouvé le chemin vers ce monde-reflet, et se réjouissait qu’il eût commis son erreur. Désormais, ils y étaient tous les deux – elle et lui. Un monde à eux seuls, un combat digne de ce nom. Boru était prête. Il se tenait devant elle, crocs, tentacules et griffes dressés.
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Il était visiblement contrarié, mais la Diacre des Gardiens du Temps, seule, il n’en ferait qu’une bouchée. L’être qui se faisait appeler Je’An maudissait Nanji, maudissait de s’être piégé lui-même dans ce monde-reflet, mais se préparait au combat. Si la Diacre tombait, qui l’empêcherait de sortir du reflet et de piller Rizator-III ?
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Sans préambule, sans provocation, sans avertissement, au même moment, Boru et l’être qui se faisait appeler Je’An se lancèrent l’un contre l’autre.
Simon Johnson
Photo : ©pixel2013
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