La plume : créationLa plume : littératureRécit participatif n°2 : La Geste d'Avant le Temps

La Geste d’Avant le Temps : épisode 60

Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?

Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.

La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !

Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !

Alors, vous nous suivez ? C’est parti ! Retrouvez le début du feuilleton ICI !

* * *

Épisode 60 : rituel d’initiation

Tous rugirent d’acclamation quand il passa devant eux. Il s’affala sur le trône, ses tentacules déployés autour de lui, les crocs dénudés de contentement.

« Je meurs de faim ! Qu’est-ce que vous m’avez gardé ? » s’écria-t-il.

Deux Mange-Temps tripodes conduisirent auprès de lui un petit homme, tout gringalet. Qui semblait n’avoir que la peau sur les os. L’un d’eux s’adressa à leur chef par télépathie :

« Oh, mon seigneur ! Voilà un humain que nous avons pris il y a de cela plusieurs cycles, nous l’avons gardé pour vous… »

« Un seul humain ?! Leur viande est délicieuse, mais croyez-vous que je serai satisfait d’un seul être vivant. Bande de Gardiens du Temps que vous êtes ! »

Toute l’assemblée fût tétanisée : Gardiens du Temps, c’était pour eux l’injure la plus terrible qui soit…

« Mille excuses, mon seigneur, les temps sont durs. Les Voyageurs Temporels sont de plus en plus impitoyables et rien ne leur échappe. Nous faisons de notre mieux pour écumer les autres Galaxies et leur ravir leur Temps, mais cela devient très compliqué de quitter Rizator-III… »

Un claquement de mâchoire fit taire l’obséquieux. Avec humeur, il se leva de son trône et s’adressa à son peuple :

« Je sais que vous avez faim… que les temps sont difficiles, que la moindre graine temporelle est soigneusement gardée… Ne vous inquiétez pas. Les jours de nos opposants sont sur le point d’être révolus. Notre heure est proche. »

Des milliers de cris se firent entendre, pour acclamer leur sauveur. Voilà qui est mieux. Il tourna la tête et regarda le gringalet qu’on lui proposait comme en-cas. Un filet de bave pendait de sa gueule et ses yeux avides le dévoraient déjà du regard…

« Viens par-là toi. Petit être vivant. »

Comment vais-je me régaler de ton corps et de tes cris… ? Ses tentacules glissèrent délicatement sur la peau de son dîner et commencèrent à s’enrouler petit à petit autour de lui, avec plus d’aisance que le boa constrictor céruléen qui immobilise sa proie… Puis, ce fut au tour de ses griffes acérées de délicatement ciseler la peau des bras du prisonnier, pour y faire couler ce sang d’un rouge foncé qui lui faisaient tant envie… Avec sa longue langue, il lécha le liquide rouge qui s’écoulait. Un régal.

Il planta ses crocs dans le cou de sa victime et y aspira le sang. L’acte, en lui-même, ne le nourrissait pas physiquement (les Mange-Temps n’avaient pas d’autre nourriture que les graines temporelles et les secondes qui s’écoulaient dans l’Univers) ; néanmoins cela nourrissait son plaisir – celui de faire souffrir. Sa proie se débattait de moins en moins fort : comme à chaque fois, voir la vie quitter petit à petit un corps lui procurait un véritable orgasme. Il ne but pas tout le sang – juste assez pour rapprocher sa victime de la mort. Le prisonnier ne devait pas mourir, en tout cas pas tout de suite. Ses tentacules immobilisèrent les membres tremblant de l’homme. Un signe de lui et le plus jeune des Mange-Temps s’avança. À lui de venir goûter au plaisir de produire de la douleur…

« À ton tour… »

L’étape était importante : chaque jeune Mange-Temps, au seuil de sa vie d’adulte, devait satisfaire au rituel barbare que celui qu’on nommait Je’An avait institué. Faire naître la souffrance était à la fois une étape symbolique et un signe d’allégeance, qui faisait passer les plus jeunes à l’état adulte. Évidemment, Nanji (Nanji, encore et toujours Nanji !) n’y avait pas souscrit – elle seule n’avait pas été aveuglée par les promesses qu’il susurrait aux autres. Ainsi se régalèrent les plus jeunes, qui allaient à partir du lendemain être adultes et pouvoir participer à cette révolution qu’ils attendaient depuis si longtemps…

En les observant, un peu en retrait, celui qu’on nommait Je’An songeait à Hypérion. Était-il déjà sur le point de mettre la main sur le cœur d’Eien et de réaliser la prophétie ? Il lui fallait se hâter, s’il voulait l’en empêcher. Heureusement pour lui, Hypérion partait avec un handicap de taille : le tuer, lui, le plus puissant de tous les Mange-Temps, n’était pas si facile. Seule une lame très spéciale pourrait y parvenir – une lame qui échappait au Temps lui-même. L’épée néantine. Hypérion ne découvrirait sans doute jamais son existence ; lui-même ne savait pas où elle se trouvait et pourtant, il avait fouillé chaque recoin du Temps et à de très nombreuses reprises. Or, la seule chose dont il était certain, c’était que la clef pour qu’Hypérion l’arrête était cette foutue épée… C’était Nanji qui en avait inspiré la fabrication au premier Diacre des Gardiens du Temps, en le visitant en rêve. Quand celui qui se faisait appeler Je’An l’avait bannie loin des Yûbokujis, elle avait tout de suite compris que c’était de mauvais augure pour le devenir de leur peuple… elle avait eu raison. Heureusement pour lui, la Néantine avait disparu voilà des siècles, sans doute si bien rangée que tout le monde avait oublié jusqu’à son nom…

En délogeant un bout de chair coincé entre ses crocs, il songea qu’il avait complètement oublié d’inclure la mort de Nanji dans les points à mettre à l’ordre du jour, avant son couronnement tout proche…

David Weber

Photo : ©Wildone

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