La plume : créationLa plume : littératureRécit participatif n°2 : La Geste d'Avant le Temps

La Geste d’Avant le Temps : épisode 68

Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?

Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.

La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !

Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !

Alors, vous nous suivez ? C’est parti ! Retrouvez le début du feuilleton ICI !

* * *

Épisode 68 : un temps de répit ?

Celui qu’on nommait Je’An s’approcha d’une ouverture creusée dans la pierre, pas plus grande qu’une fissure.

Il y colla son œil sombre et sourit de contentement. Depuis son repaire, il voyait ses troupes se répandre sur la terre de Rizator-III, attaquant les quelques cultempvateurs qu’elles croisaient. Elles se déplaçaient en meute, avançant rapidement en direction de la Tour des Gardiens. Leur chef ne se formalisa pas quand certains d’entre eux furent arrêtés par des pièges posés à leur intention. S’ils étaient suffisamment bêtes pour se faire avoir, autant qu’ils disparaissent immédiatement. Les Mange-Temps n’avaient pas pour consigne d’attaquer la Tour des Gardiens : Je’An, ou quel que soit son nom, savait qu’ils seraient en position de faiblesse s’ils tentaient de s’y confronter. Non, ils avaient pour ordre de tuer tout Voyageur Temporel qui arriverait. Ils devaient les exterminer, pour permettre à leur chef de se concentrer sur ceux qu’il se ferait un plaisir de massacrer…

Depuis sa lucarne, celui qu’on nommait Je’An se sentait invincible.

° ° °

« Je ne comprends pas ! » s’exclama Sexte, ravi mais néanmoins surpris de retrouver son vieil ami.

« C’est compliqué et je ne pense pas avoir le Temps de tout t’expliquer en détail mon ami ! Tu as entendu l’appel, comme moi. Ils ont activé le Zirgouflex », répondit Balthazard, nerveux.

Sexte hocha la tête. Il n’en croyait pas ses yeux. Son ami, son ami disparu depuis si longtemps était revenu ! Balthazard avait vieilli, il avait pris du ventre, une barbe grise lui mangeait le visage et pourtant, dans ses yeux brillait la même lueur que des années auparavant. Le regard gris de Balthazard fut attiré par un mouvement dans le dos de Sexte.

Angélus se tenait en retrait, le regard dans le vide, l’air concentré.

Sexte se retourna, pour comprendre ce qui attirait l’attention de son vieil ami et fronça les sourcils en voyant son neveu :

« Angélus ? »

Il ne répondit pas. Il semblait comme hypnotisé.

° ° °

Angélus n’était plus dans la pièce dans laquelle on les avait enfermés. Au moment où son oncle avait défoncé la porte et s’était étalé sur un humain bedonnant qu’il semblait connaître, quelque chose avait résonné dans son esprit :

« Angélus ! »

Il ne connaissait pas cette voix, mais elle était incroyablement mélodieuse. Il aurait pu l’écouter jusqu’à la fin des Temps. Mais la voix était teintée d’inquiétude et d’urgence. Il se concentra :

« Angélus ! Tu dois nous rejoindre… nous avons besoin de toi ! Écoute-moi, je vais t’indiquer le chemin. »

Il hocha la tête, sans être conscient que la voix ne pouvait pas le voir. Elle poursuivit en lui décrivant le chemin qu’il devait parcourir. Il ignorait où cette voix le mènerait, mais il était convaincu qu’il pourrait aider Elestra et son ami, Hypérion. Ou peut-être s’agissait-il d’un piège… ? La voix parut lire dans ses pensées, car elle rajouta :

« Il faut que tu me fasses confiance. Tes amis ont besoin de toi. »

Résolu, Angélus leva la tête. Il semblait revenir d’un rêve. Son oncle et l’homme bedonnant le regardaient, une mine inquiète sur le visage. Réalisant qu’il devait faire vite, il se secoua :

« Je suis désolé, je dois y aller ! »

Sexte ouvrit la bouche pour le retenir, mais quelque chose dans le regard de son neveu l’en dissuada. Il hocha simplement la tête, et Angélus s’enfuit de la salle, avec la bénédiction de son oncle.

° ° °

Angélus courait le plus vite qu’il pouvait.

Il était à bout de souffle mais cela n’avait aucune importance. À la sortie de leur cachot, il avait croisé les gardes, endormis. Il avait suivi les premières indications de la voix… mais après avoir monté une volée d’escaliers, tourné à droite, puis à gauche, et redescendu quelques escaliers, il s’était perdu. Il avait oublié la suite des instructions. Les couloirs se ressemblaient tous, et il n’avait jamais eu un très bon sens de l’orientation. Il n’était pas non plus habitué à des environnements comme celui-ci. Alors qu’il sentait la panique l’envahir, il s’appuya sur un mur froid et humide. C’est alors que la voix résonna à nouveau dans son esprit.

« Angélus ! Rejoins-nous vite ! Suis mes instructions ! »

La voix lui répéta ses indications. Ragaillardi, il reprit sa route. Bientôt il arriva devant un trou, anciennement dissimulé par de la mousse. Anciennement, car il lui semblait que quelque chose, ou quelqu’un, était passé à travers. Alors qu’il se penchait en avant pour jeter un œil, la voix se fit entendre une nouvelle fois.

« Saute et vole ! Fais-moi confiance : tu ne voudrais pas tomber sur la créature immonde qui se trouve là-dessous… »

Angélus s’exécuta.

° ° °

Après le départ d’Angélus, Sexte et Balthazard n’avaient pas trainé.

Ils avaient également pris la poudre d’escampette et se dirigeaient hors de la Tour des Gardiens. Après réflexion, Sexte avait suggéré qu’ils passent par l’armurerie. Les deux Voyageurs Temporels n’avaient pas d’armes et ils ne tiendraient pas longtemps s’ils devaient se battre à mains nues. Ils avaient croisé d’autres Voyageurs Temporels, qui tous allaient en direction des champs de Rizator-III. Une fois à l’air libre, Balthazars se figea. Une horde de Mange-Temps féroces approchait… Un doute l’assaillit : après tout ce temps, était-il réellement capable de se battre ? Puis l’image d’Elestra surgit dans son esprit. Il devait se battre, pour elle. La procédure S.U.I.P. et l’activation du Zirgouflex n’avaient pas pour seul but d’appeler tous les agents ; il s’agissait aussi de les informer de la marche à suivre. Quand le Zirgouflex était lancé, chaque Voyageur Temporel savait ce qu’il avait à faire.

Les rangs des agents réunis devant la Tour des Gardiens n’étaient pas excessivement fournis. Les Mange-Temps étaient à peu près cinq fois plus nombreux qu’eux, alors qu’ils étaient chassés sans relâche depuis des années. Comment ces bestioles avaient-elles pu croître ainsi… ? Ils avaient dû se cacher et prospérer à leur aise… Sexte se dit que s’ils survivaient à tout cela, les Gardiens seraient peut-être plus disposés à recruter davantage d’agents. Et à leur donner plus de budget. Mais encore fallait-il survivre.

Tous les Voyageurs Temporels de Rizator-III sortirent presque simultanément une montre à gousset de leurs poches, sacs, gueules et autres orifices suffisamment grands pour accueillir un instrument de la taille d’une paume humaine adulte. Chaque agent recevait une montre à gousset lors de sa nomination en tant que Voyageur Temporel : c’était leur badge, leur signe de reconnaissance. Mais surtout, activée en même temps que celle des autres agents, c’était une arme redoutable.

Le silence régnait dans les rangs des Voyageurs Temporels. Puis, petit à petit, un bruissement s’éleva. Un tic-tac entonné par l’un des plus vieux Voyageurs. Il fut bientôt rejoint par d’autres agents, qui scandaient ce tic-tac au rythme des secondes. Balthazard connaissait les consignes, comme si elles n’avaient jamais disparu de son esprit. Trois minutes. À trois minutes précises, ils devraient tous enclencher leur montre. Tic-tac, tic-tac. Balthazar tenait le compte dans sa tête. Ils en étaient à une minute cinquante.

Deux minutes. Tic-tac, tic-tac, tic-tac,…

Deux minutes trente-sept. Tic-tac, tic-tac,…

Deux minutes cinquante-huit.

Tic-tac.

D’un même geste, les Voyageurs Temporels enclenchèrent leur montre. Le silence s’abattit sur les champs, suivi d’une déflagration. Balthazard ferma les yeux, par réflexe. Quand il les rouvrit, il sourit. Ça avait marché. Les Mange-Temps étaient coincés dans une bulle, prisonniers hors du Temps.

Joana Mailler

Photo : ©Jay-B

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