La plume : créationLa plume : littératureRécit participatif n°2 : La Geste d'Avant le Temps

La Geste d’Avant le Temps : épisode 76

Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?

Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.

La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !

Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !

Alors, vous nous suivez ? C’est parti ! Retrouvez le début du feuilleton ICI !

* * *

Épisode 76 : poules à la rescousse !

Hypérion, Elestra, Nanji et Euridy volaient autour de la Table de Téléportation.

Ils avaient peu de Temps, mais étaient conscients de se heurter à un os :

« Nous ne sommes plus que quatre, maintenant qu’Angélus… » fit remarquer Euridy, la gorge nouée en songeant à leur compagnon.

Tous savaient ce que ça voulait dire : à quatre, ils n’avaient aucun espoir d’équilibrer la Table et de pouvoir repartir à la recherche du cultempvateur – et de leur ennemi. Et leurs chances de retrouver Angélus vivant s’amenuisaient, de minute en minute…

« Rooooh… il doit bien exister une solution ! Nous n’allons pas rester coincés ici pour toujours ! » jeta Hypérion avec rage.

L’épée Néantine le tirait toujours avec insistance, le poussant sans cesse vers la Table – vers l’endroit où celui qui se faisait appeler Je’An s’était enfui, en compagnie du Rizatorien. Elestra voletait de gauche à droite, hésitante :

« Et si… et si on trouvait quelqu’un pour remplacer Angélus ? » risqua-t-elle avec lenteur.

« Mais qui ? On ne doit pas interagir avec cette réalité, à cause de tous ces risques avec le paradoxe temporel ! » fit remarquer Hypérion d’une voix que l’agacement rendait sèche.

« Je le sais », continua Elestra en réfléchissant. « Il nous faudrait… un… être vivant dont le départ hors de cette temporalité ne risque pas d’affecter le cours du Temps… dont l’absence passerait quasiment inaperçue… quelqu’un… qui aurait un nom commençant pas la lettre [A], comme Angélus… »

Un bruit les arrêta – cot… cooot… cooootcooooootcooOOOOOTTT… Hypérion releva la tête vers Elestra : même sous sa forme de colibri-foudre, les yeux de son amie brillaient d’amusement et de détermination-

« Non… ne me dis pas que… »

« Oh que si ! » répondit Elestra en fondant en piqué, suivie de Nanji.

° ° °

« Quatre cent trente-et-un… quatre cent trente-deux… quatre cent trente-trois… c’est tout de ce côté ! » lança Balthazard au Second Lieutenant.

Ledit Lieutenant nota scrupuleusement le résultat. Les champs de Rizator-III retrouvaient lentement un semblant de normalité, au fur et à mesure que les cohortes de Voyageurs Temporels capturaient les Mange-Temps hébétés. Sexte rattacha à sa ceinture sa dernière capsule temporelle portative. Il héla Balthazard, le front plissé par l’inquiétude :

« Balthazard… pas de trace de lui. J’espère qu’il n’est pas trop tard… »

° ° °

La pie géante gisait sur le sol, ridicule et inanimée. Celui qui se faisait nommer Je’An la contemplait avec satisfaction. Un simple cultempvateur – quel imbécile ! Ce n’était pas une proie aussi satisfaisante que celles qu’il attendait, raison pour laquelle il ne l’avait pas tuée immédiatement, préférant la garder comme collation pour ouvrir le festin qui devrait célébrer sa victoire finale.

Assis sur son trône, tentacules, griffes et crocs déployés, il contemplait son antre. Apaisé. Son petit voyage dans le passé s’était soldé par un échec : sans l’intervention de cet… idiot de Rizatorien, il aurait supprimé Hypérion encore gamin, presque sans effort. Dès lors, la prophétie se serait délitée d’elle-même !… mais tout s’était précipité, malheureusement. Enfin, ce n’était pas si grave, après tout, se consolait-il – mieux valait laisser le destin suivre son cours, se précipiter vers son terme logique et annoncé. Hypérion n’était pas un guerrier ; il se révélait plutôt gauche et maladroit, ce qui ne pourrait que tourner à son avantage… il règlerait ça en deux claquements de mâchoires : le supprimer, lui et ses compagnons, ne poserait pas de problème. Et ensuite… ensuite, il festoierait sur leurs corps, avant de ravager les champs de Rizator-III et de libérer ses troupes.

« J’ai gagné, Eien », souffla-t-il à l’immensité obscure de la caverne.

Sa voix se répercuta sur les murs, en des vagues successives d’échos – gagné, gagné, agné, gné… é… en.. ien… Eien… et rien ne vibrait, aucun frémissement du Temps, aucun murmure ni vibration. Eien sentait-elle que la fin était proche… ? Son regard glissa sur les trésors qu’il avait amassé – les horloges, les clepsydres, les montres, les coucous, les sabliers, les cadrans solaires, les métronomes… tout, tout ce qui permettait de mesurer le Temps.

« Bientôt, le Temps n’existera plus – et toi non plus, tu n’existeras plus, Eien. »

Plus… lus… us… en… ien… Eien… répercutèrent les colonnes sculptées dans la pierre. Il se carra dans son trône et attendit. Hypérion allait venir à lui et bientôt, tout serait fini.

° ° °

« Okay… donc, cette poule s’appelle… »

« Aglaë ! » répondit Elestra au tac-au-tac. « Ça commence donc par un [A], comme Angélus. C’est par-fait. »

Hypérion fronça les sourcils – ce qui, à présent qu’ils avaient retrouvé tous leurs apparences initiales et leurs corps humanoïdes, était beaucoup plus facile :

« Mais on est d’accord que tu viens de lui donner ce nom… cette poule ne s’appelle pas du tout… »

«  Et alors ? Il lui fallait un nom ; elle n’en avait manifestement pas – maintenant, elle s’appelle Aglaë et voilà. On n’a plus qu’à la poser sur la Table de Téléportation, se percher sur nos lettres respectives… et le tour est joué, on file direct retrouver Angélus ! »

Hypérion se tourna vers Nanji et Euridy, abasourdi :

« Elle plaisante, non ? »

« Je ne pense pas », répondit Nanji en réfléchissant à mesure qu’elle parlait. « En théorie, ça peut marcher. À condition que je nous transforme tous en poules, afin que nous pesions le même poids qu’elle. »

« En poules ?! Mais on va avoir l’air… enfin… pourquoi c’est pas elle qu’on transforme en colibri-foudre ? »

« Hypérion », expliqua Nanji avec patience. « Notre forme à nous n’a vraiment que très peu d’importance – par contre, pour elle… voyager à travers la Table de Téléportation va déjà être suffisamment éprouvant, je ne veux pas la traumatiser davantage. »

Aussi étrange que lui paraissait ce raisonnement, il ne manquait pas de bon sens, Hypérion devait bien se l’avouer.

« Bon, allez, on essaie ! » lança Elestra. « Ce n’est pas comme si nous n’étions pas déjà désespérés. Nanji, je vais poser Aglaë sur la Table, sur la case du [A]. Ensuite, tu nous transformes en poules, on se perche sur nos lettres respectives… et on pense très fort à notre but : retrouver ce sale Mange-Temps qui se fait appeler  “Je’An”. Prêts, tout le monde ? »

« Prête ! » répondit Nanji.

« Prête ! » ajouta Euridy.

Il y eu un silence. Puis :

« Bon, ben, heu… prêt », compléta Hypérion d’un ton incertain, en sentant l’épée Néantine à ses côtés.

Nanji les effleura l’un après l’autre. Cinq poules qui se ruent vers leur destin – on aura tout vu !

Magali Bossi

Photo : ©Capri23auto

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Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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