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Pastiche : Perles rouges

Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !

La Pépinière vous propose un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !

Aujourd’hui, c’est Natacha Stein qui prend la plume et nous invite dans un pastiche… à vous de découvrir l’auteur ou l’autrice d’origine ! Bonne lecture !

* * *

Perles rouges

Je ne me souviens plus trop de son visage, et peut-être que si les photos avaient toutes été brûlées, les traits ne me reviendraient plus en mémoire. Certains détails me sont restés, comme de légers bourdonnements qui me chatouillent le crâne : je me souviens de certaines tonalités, de la musique, des couleurs douces du soleil qui se couche, du rire…

— Pourtant un souvenir en particulier ne veut pas te lâcher, n’est-ce pas ?

— Bon… ça va… je n’y pense plus trop aujourd’hui…

— Tu es sûre ?

— …

— Ne me mens pas.

— Bon, c’est peut-être vrai qu’un truc a changé ce soir-là.

— Quelque chose s’est brisé en toi.

— Je n’irai pas jusqu’à dire ça…

— Ne te souviens-tu plus de tes cris ?

— C’était il y a longtemps, tu sais…

— Et pourtant, te voilà aujourd’hui qui y repenses.

— …

— Le sang qui roulait le long de ses bras ne te réveille plus la nuit ?

— Non, le temps m’a fait oublier.

— Je ne te crois pas… essaie de te rappeler ce que cela t’a fait.

— Je crois que… je crois que le voir se faire du mal m’a fait encore plus de mal à moi qu’à lui… tous ces « pardon… excuse-moi… je t’en supplie… pardonne-moi » …

— C’est ça…

— C’est vrai… c’est vrai que j’ai beaucoup pleuré ce soir-là … et dans les jours qui ont suivi. J’avais l’impression que quelque chose en moi avait changé… je ressens encore le picotement de mon cœur.

— Le picotement ?

— Plutôt une brûlure… un déchirement.

— Ton cœur s’est déchiré devant cette vision d’horreur. Le pire de tous les sentiments t’a accablé.

— L’impuissance… d’aider, de sauver… être incapable de bouger, de faire autre chose que de crier comme je n’avais jamais crié…

— Continue…

— Tous ces « pardon » murmurés … c’était comme si le temps ralentissait… une impression de chute… comme si un camion m’avait heurtée, projetée en l’air, avec une violence effroyable… un choc qui te retourne la tête, le ventre, et t’empêche de respirer…

— Que vois-tu ?

— Je revois ce sang perler… comme les grosses gouttes de pluie dans lesquelles se reflètent la lumière des feux… ce sang couler… sortir d’un être qui me devint instantanément étranger… tout est flou, ma tête se met à tourner… je pense que je vais mourir de douleur…

— Mais tu n’es pas morte, n’est-ce pas ?

— Je pense que je devrais brûler les photos tout compte fait.

— N’oublie surtout jamais ça : tu n’en n’es pas morte.

Natacha Stein

Vous souhaitez découvrir d’autres textes produits dans cet Atelier ? N’hésitez pas à vous rendre dans nos pages numériques… et à découvrir une sélection-florilège sur L’Exultoire (le site de l’Atelier).

Photo : © Pexels

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