Pastiche : Récréation

Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !

La Pépinière vous propose un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !

Aujourd’hui, c’est Léna de la Cruz qui prend la plume. Elle nous invite dans un pastiche… à vous de découvrir l’auteur ou l’autrice d’origine ! Bonne lecture !

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Récréation

L’école avait toujours été pour moi un lieu bienveillant, dans lequel je me sentais en sécurité et où je m’épanouissais… J’aimais l’odeur boisée des crayons de couleurs de ma boîte Caran d’Ache et la satisfaction que j’éprouvais quand je les classais selon l’ordre des couleurs de l’arc-en-ciel. Ma maîtresse accrochait parfois mes dessins au mur de la classe et, à cette occasion, en profitait pour m’encourager : « Ils sont très beaux tes dessins »… ou : « Tu as vraiment beaucoup d’imagination ! »… Je ressentais une joie rare, qui ne pouvait naître qu’à l’école. La chaise face à mon pupitre et les bancs de la classe étaient les lieux où je me sentais la plus épanouie, la plus vivante…

— Uniquement la salle de classe alors… Et encore…

— Mais si, au début, j’étais si heureuse… Je ne ratais jamais un jour d’école…

— Oh, même au début… Le sang avait déjà coulé, pour un simple goûter… et la preuve en est que tu as gardé peu de souvenirs de cette période… et beaucoup des autres sont aussi peu reluisants…

— Je n’aurais pas dû me mêler de ce qui ne me regardait pas. Je ne connaissais pas ces enfants, j’ai bêtement cru que le sachet plastique à leurs pieds avait été oublié, j’ai voulu le leur rendre, c’était leur goûter après tout… c’était très important. Lui n’a pas compris, s’est défendu… « C’est son goûter ! » Et il m’a frappée au nez…

— Tu as été trop gentille, comme d’habitude.

— Et pourtant, ce n’était peut-être pas vraiment de la gentillesse, mais de l’égocentrisme…

— Crois-tu vraiment ?

— J’ai toujours voulu jouer les sauveuses pour avoir le sentiment de servir à quelque chose… Même s’il s’agissait de sauver un goûter… « C’est son goûter ! » Peut-être que je l’aurais volé, ce goûter, s’il ne m’avait pas prévenue, et que le garçon avait bien compris mon intention première…

— Mais regarde… le garçon et la fille se tiennent debout, devant la vieille porte en bois de l’école, un sachet plastique à leurs pieds. Tu t’approches et le ramasses, mais tu n’as pas le temps de le leur tendre… « C’est son goûter ! »… et la violence du coup…

— C’est vrai… j’ai été jugée trop vite…

— Allons, fais un effort…

— Je ne méritais pas qu’on me frappe, quand bien même mes intentions auraient été mauvaises…

— C’est bien, tu commences à comprendre.

Léna de la Cruz

Vous souhaitez découvrir d’autres textes produits dans cet Atelier ? N’hésitez pas à vous rendre dans nos pages numériques… et à découvrir une sélection-florilège sur L’Exultoire (le site de l’Atelier).

Photo : © stevepb