La plume : créationLa plume : littératureRécit participatif n°2 : La Geste d'Avant le Temps

La Geste d’Avant le Temps : épisode 58

Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?

Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.

La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !

Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !

Alors, vous nous suivez ? C’est parti ! Retrouvez le début du feuilleton ICI !

* * *

Épisode 58 : cette fois… ça y est !

L’être qui se faisait appeler Je’An fulminait.

Il était revenu dans la Gare… encore ! Aussitôt il reprit une apparence… plus passe-partout : hors de question de se faire repérer ! La grande masse griffue et tentaculaire se fondit pour prendre la forme d’un humanoïde androgyne de taille moyenne, à la paire d’ailes irisées.

Le hall n’avait pas changé depuis sa dernière venue. Les voyageurs en transit allaient et venaient sur les quais et passerelles, en quête de leur prochaine destination. L’écho de milliers de conversations résonnait et les annonces semblaient marquer le tempo à intervalles réguliers.

Cependant, l’atmosphère n’était plus la même. Celui connu sous le nom de Je’An ressentait une émotion familière, une émotion qu’il aimait, une émotion qu’il connaissait – la peur. Il se doutait que le sort de la Directrice n’avait pas été rendu public : la S.I.P.S.T. était connue pour ménager au maximum le confort de ses voyageurs – quitte à faire quelques entorses discutables à la transparence et la déontologie. Le personnel, néanmoins, semblait tendu, sur ses gardes.

Le Mange-Temps sourit – ou plutôt un rictus déformât les traits fins de sa nouvelle forme. Peut-être que cela pourrait jouer en sa faveur… Il se dirigea sans hésiter vers le bureau des Aiguilleurs.

Les Aiguilleurs étaient des êtres étonnants. À ce que celui qui se faisait appeler Je’An savait, ils détestaient le bruit et le désordre. Dans une vaste salle ovale et fortement éclairée, ils allaient et venaient sur une immense trame. Semblables à des navettes de tisserand noires munies de trois paires de pattes, ils glissaient sur la toile, tirant avec eux un fil. Leurs déplacements, matérialisés par le fil de soie noir qu’ils laissent derrière eux, formaient un motif extrêmement complexe. La trame de toutes les arrivées… et de tous les départs. Quel que soit l’endroit, dans tout l’Univers…

Une créature serpentiforme à la peau bleutée et aux sept longues moustaches de chair les observait avec attention – puis annota un registre et annonça :

« La S.I.P.S.T. demande aux voyageurs en partance pour Bellérophon de se rendre quai 51. La navette partira dans 13.27 minutes. »

Trois coups secs résonnèrent. Le Douanier alla ouvrir. Un collègue se tenait sur le seuil et lui sourit – un sourire trop carnassier pour être honnête…

« Je viens vérifier le registre des Aiguilleurs » fit ledit collègue. « On nous a signalé une activation étrange vers une destination non contrôlée, il y a quelques heures. »

Devant l’hésitation de l’autre, le collègue précisa :

« Cela fait partie de l’enquête… nous devons tous être sur nos gardes. »

« Oh… euh oui… bien sûr ! La Directrice… c’est terrible, n’est-ce pas ? Je n’arrive toujours pas à me rendre compte de ce qui s’est passé…  »

« Comme tout le monde ».

Le Douanier-Contrôleur se mit à feuilleter le registre à la recherche de la perturbation :

« Là ! Je l’ai trouvée ! En effet, c’est très bizarre. On dirait que les Aiguilleurs… »

Il se tut, perplexe, scrutant le registre. L’autre s’approcha, presqu’avec avidité :

« Et donc les Aiguilleurs… »

« Oui, c’était très étrange. Ils ont réagi à quelque chose… quelque chose d’extérieur, qui n’a pas été prévu par nos services… je ne suis pas sûr de savoir quoi… et ils ont dessiné ce motif. Juste là. Une nouvelle destination dans la trame des départs. C’est bien la première fois que je le vois. »

« Ce serait possible de le refaire ? »

Le Douanier-Contrôleur se gratta pensivement la tête :

« Maintenant que le motif est connu… oui, cela doit pouvoir se faire… mais je ne sais pas du tout où mènera le motif… »

« Bien. Ne vous souciez pas de la destination. Faites-le, maintenant. »

« Mais… »

« Maintenant ! »

Une once de menace perçait dans la voix. Voyant la peur dans les yeux du Contrôleur, celui qui prétendait s’appeler Je’An se radoucit :

« Vous comprenez… nous devons suivre la piste tant qu’elle est encore chaude, pour le bien de l’enquête… la Directrice… »

« Oui, le bien de l’enquête, bien sûr… »

°°°

Environ une demi-heure plus tard, le Mange-Temps se tenait devant un portail. Le miroir d’eau apparut. Comme lors de la dernière fois, Je’An lança une poignée des graines qu’il avait prises à la directrice et franchit le mur liquide, le sourire aux lèvres.

Aurèle Nicolet

Photo : ©Pexels

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