La Geste d’Avant le Temps : épisode 72
Votre salon est trop petit pour vos ambitions ?
Vous rêvez de parcourir des étendues sauvages, des citadelles élancées, de terrasser des dragons, de rencontrer des elfes, de mettre la main sur un trésor… ou d’embarquer sur un bateau pirate ? La Geste d’Avant le Temps est un récit participatif qui veut remédier à l’exiguïté de nos domiciles et rêver d’un autre monde.
La Pépinière a réuni des rédacteurs très différents : amateurs, confirmés, jeunes ou plus âgés, sages, originaux, déjantés, bagarreurs… Ensemble, ils vont vous emmener dans une quête épique, entre fantastique et science-fiction – sur les ailes de leurs imaginations !
Entre le feuilleton et le cadavre exquis, La Geste d’Avant le Temps vous accompagnera chaque jour dans un texte évolutif et des aventures palpitantes. Nous espérons ainsi vous changer les idées, en cette période confinée… Que faire à l’issue du projet ? Lecture publique ? Publication ? Performance ? Nous cherchons encore des idées !
Alors, vous nous suivez ? C’est parti ! Retrouvez le début du feuilleton ICI !
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Épisode 72 : dans le passé
Celui qu’on appelait Je’An naviguait à présent dans les couloirs du Temps.
Après avoir scruté l’avancée de ses troupes sur les campagnes de Rizator-III, il avait résolu d’attendre dans la sécurité de son antre : le dénouement de la prophétie était proche ; ce benêt d’Hypérion et son amie joueuse de harpe le rejoindraient bientôt pour l’affronter… il saurait les accueillir avec crocs et griffes. Tout s’était jusque-là déroulé selon ses plans, et même Nanji n’y avait rien pu – pourtant, il ne pouvait se détacher de l’impression désagréable de danger qui l’avait assailli un peu plus tôt. Quelque chose… quelque chose approchait, quelque chose qui accompagnait Hypérion et voulait sa destruction…
Un doute s’était insinué en lui : et si Hypérion l’emportait… ? Adieu, rêves de grandeur et de conquête ! Non…non, cela ne se pouvait ! Mais comment en être sûr ?
C’était à ce moment-là, précisément, que cette ultime idée avait germé – la plus machiavélique, la plus horrible qu’il eût jamais eue… et pourtant, si redoutablement simple… si fantastiquement logique… qu’il s’était étonné de ne pas y avoir songé plus tôt. Quelle était la source de ses ennuis, la pierre angulaire qui soutenait la réalisation de la prophétie et menaçait les fondements de son plan ? Hypérion. Hypérion, encore et toujours. Plus d’Hypérion… plus de problèmes. Arracher la mauvaise herbe à la racine – voilà ce qu’il avait résolu de faire. À présent, il flottait avec rapidité dans les couloirs du Temps. Un léger accroc, dans la trame de l’Univers, lui indiqua que, quelque part, un pulsar venait de s’activer. Il crispa ses tentacules de colère : voilà qui n’était pas assez puissant pour l’arrêter… mais qui se révélerait désastreux pour ses troupes, si la Bulle locale interstellaire vacillait. Il secoua la quête : qu’importe ! Si ce qu’il projetait fonctionnait, ses troupes n’auraient plus rien à faire. La prophétie deviendrait un souvenir et il serait enfin le maître incontesté.
Il prit un embranchement et arriva devant une porte – celle qui allait le projeter exactement où et quand il en avait besoin. Ça allait être… un jeu d’enfant.
° ° °
Après quelques minutes, ou quelques heures – il avait perdu toute notion du temps et de l’espace – d’un noir absolu, au sein duquel rien ne semblait plus exister, Hypérion reprit conscience et ouvrit les yeux.
Il n’y avait plus trace du long dédale visqueux dans lequel ils avaient tous glissé. La lumière éblouissante du soleil au zénith lui faisait presque mal, après ce long passage dans l’obscurité. Il mit plusieurs secondes à s’y habituer, avant de commencer à distinguer formes et couleurs : il se trouvait manifestement dans un champ verdoyant… sans doute au cœur du printemps ou de l’été, car le soleil chaud lui caressait le visage, comme lors de ses siestes qu’il appréciait tant dans sa jeunesse.
Il se redressa. La Néantine pulsait à ses côtés, frémissante d’impatience, comme un loup pistant sa proie ; il l’attrapa. Autour de lui, ses compagnons étaient éparpillés dans l’herbe. Comme lui, ils avaient conservé leur forme de petits colibris-foudre et paraissaient dans un état d’hébétude manifeste. Au loin, Hypérion distinguait un amas de maisons en pierre, étrangement familières. La Table de Téléportation dressait son improbable équilibre à quelques pas derrière eux, dans l’herbe douce. Comment… je croyais qu’elle s’était fracassée au sol, quand nous avons quitté la salle… Hypérion secoua la tête, sautant sur ses minuscules pattes d’oiseau. Ça n’avait pas vraiment d’importance.
« Où sommes-nous ? » s’exclama Euridy, qui tentait tant bien que mal de reprendre ses esprits tout en se relevant doucement.
« Pas sur Rizator III en tout cas, ça c’est certain », répondit Angélus. « Cette végétation ne correspond à rien que je connaisse… et je n’entends pas la moindre vibration de secondain ni de minutain. »
Hypérion claqua du bec avec inquiétude. Où étaient-ils dont encore tombés ? Est-ce que la Table avait eu un raté ?
« Rassurez-moi… » commença-t-il d’une voix blanche. « Vous avez bien pensé à notre but au moment de la téléportation ? »
« J’ai pensé à notre ennemi », confirma Angélus aussitôt.
Les autres hochèrent la tête.
« Donc… si on en croit les indications de la Table », continua Hypérion, « Je’An devrait se trouver là… quelque part… »
Pourtant, rien ne semblait menaçant et il ne percevait pas l’odeur caractéristique du Mange-Temps – ce mélange écœurant de charogne et de marécage qui lui soulevait le cœur.
« J’ai un sentiment très étrange », confia Elestra en regardant autour d’elle. « Je… je connais ce paysage… »
« Allons voir là-bas », proposa Nanji en désignant les habitations qui se dessinaient au loin. « Nous y trouverons peut-être des réponses… ou notre ennemi. »
Les cinq compagnons se regardèrent brièvement, avant de se mettre en direction de ce qui semblait être un village. Alors que le groupe avançait de conserve, Hypérion ne cessait de lancer des regards interrogateurs à Elestra :
« Elestra, est-ce que tu penses que… »
« Oui… je sais ce que tu vas dire… c’est bien ce que je pense aussi. Je reconnaîtrais ces maisons entre mille… »
« Nous sommes chez nous ! »
Magali Bossi & Arnaud Chiaradia
Photo : © jeter2
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