Les réverbères : arts vivants

À Saint-Gervais, un espace pour se retrouver

Au moment d’aborder la saison 25-26, Sandrine Kuster, directrice de la Maison Saint-Gervais, a mis l’accent l’importance d’un lieu pour se retrouver et faire un pas de côté, au vu de l’actualité difficile, en interrogeant notamment la place de la culture dans la société et dans les médias.

C’est autour d’un petit-déjeuner sur la terrasse de La Réplique que Sandrine Kuster, accompagnée de Géraldine Bally, chargée des relations presse, a reçu les journalistes, pour annoncer les grandes lignes de la saison 25-26. Enfin, « les journalistes », disons plutôt trois de ses représentants (la RTS, Radio Vostok et La Pépinière) : voilà qui en dit long sur la place de la culture au sein des médias aujourd’hui… Mais ce n’est pas le sujet du jour. Sandrine Kuster a donc commencé par rappeler ses principales missions à la tête de l’institution, à savoir de soutenir les créations indépendantes ; faire le grand écart entre des jeunes talents et des compagnies déjà bien ancrées ; proposer des spectacles pluridisciplinaires, avec diverses formes et esthétiques, tout en restant à l’écoute des artistes et de leurs diversités ; prendre des risques artistiques (quelle chance nous avons, en Suisse, de pouvoir le faire !) ; créer de la mixité, aussi au niveau des publics ; soutenir la politique d’ouverture de la Maison, à travers différentes manifestations culturelle, le prêt de salles et de nombreux accueils. En plus de tout cela, une nouvelle mission, avec le soutien du canton, a été confiée à la Maison Saint-Gervais ainsi qu’à d’autres institutions membres de la FRAS, comme le Pavillon ADC : la « politique RSO » (pour responsabilité sociétale des organisations) vise à sensibiliser lesdites institutions au respect de l’environnement, à la durabilité et à l’accessibilité, en collaborant de manière concrète, loin du greenwashing que l’on peut voir au sein de certaines grandes entreprises.

En termes de collaboration, la Maison Saint-Gervais participe au projet LACS (Laboratoire Artistique Culturel Social), avec différentes scènes venant de Lausanne, Annecy, Chambéry et Besançon, afin de favoriser la co-production transfrontalière et les tournées. Sur trois saisons, pas moins de onze coproductions tourneront, alors qu’une formation à la radio et au podcast sera proposée. Cette dernière, en collaboration avec Making Waves, sera ouverte à trois personnes âgées de 20 à 28 ans présentées par la Maison Saint-Gervais, trois par Bonlieu Scène Nationale Annecy et trois par l’Espace Malraux Scène Nationale de Chambéry. Ils et elles pourront appréhender divers outils, grâce à une résidence en octobre autour de la thématique de la montagne, et laisser une trace de ce qui aura été produit. Enfin, notons que La Pépinière poursuivra son partenariat et réalisera des reportages sur les créations de la saison, ainsi que sur quelques autres spectacles sélectionnés. Au programme de cette saison portée sur la diversité, la pluridisciplinarité, les questions de genre et des histoires anciennes remises au goût du jour, on compte 22 spectacles, dont cinq créations genevoises, onze coproductions et six accueils. Passons sans plus attendre à un survol de cette nouvelle saison qui s’annonce riche !

Coréalisations et festivals

Comme toujours, la saison s’ouvrira avec La Bâtie. La Réplique sera d’ailleurs le lieu central du festival. À la Maison Saint-Gervais, on pourra voir Living Smile Vidya, artiste transgenre indienne et lauréate d’un prix fédéral, retenue au sein de la sélection suisse à Avignon, qui racontera son parcours exceptionnel, empreint de courage et luttes engagées. Puis, Frédérick Gravel reviendra avec Tout se pète la gueule, chérie, un spectacle datant déjà d’il y a 15 ans, mettant en scène des hommes perdus dans leur masculinité.

En février, deux coréalisations seront à suivre au programme d’Antigel, avec Unearth de Jefta van Dinther, qui sera joué à la salle communale du Faubourg, durant 4 heures, pour une expérience de communication, chant et danse, en immersion. On pourra également assister au Selfie Concert d’Ivo Dimichev, un solo pluriel qui se forme grâce au public, durant lequel il ne chante que lorsque des vidéos en selfie sont tournées et diffusées sur les réseaux sociaux. Une forme de pacte du narcissisme à voir les 13 et 14 février.

Des créations maison

Au rayon des créations, que La Pépinière suivra durant la saison, notons d’abord le retour des Old Masters, avec Le Cheval qui peint, co-produit avec Vidy. Le collectif dit vouloir réaliser un spectacle où les rêves sont accessibles. Comme toujours avec eux, on ne sait pas encore à quoi s’attendre, mais la promesse est belle ! En décembre, on retrouvera Les Fondateurs, qui revisiteront un nouveau classique dans leur univers bien à eux. Après Don Quichotte, ou encore deux textes de Molière, place cette fois-ci à Frankenstein, avec peu de texte au programme. Une occasion de mettre en avant le travail du corps, du décor et de la musique.

L’année 2026 débutera avec Laure Hirsig qui, après Requin, reviendra avec ZONE, dans un montage de textes signés Louis Calaferte et Tarjei Vesaas, autour du thème de l’adolescence, sous toutes ses facettes. Du 12 au 22 février, place au Collectif BPM, qui revisitera Les Trois sœurs à Trois, en incarnant trois journalistes sur le plateau live d’un festival, pour évoquer différentes mises en scène du chef-d’œuvre de Tchekhov. Enfin, avec Coloscopie d’un supermarché, le jeune collectif mené par Marie van Berchem et Vanessa Ferreira Vicente s’interrogera sur la société de consommation, au sein-même d’un supermarché.

Des accueils ouverts

Au-delà des spectacles, la Maison Saint-Gervais accueillera la deuxième année de l’École de Théâtre du Rhône, gérée par Marielle Pinsard. La compagnie de cette dernière se produira d’ailleurs du 8 au 12 octobre, avec La Médaille ou À chacun son monstre, un spectacle pour enfants qui enjoint à se surpasser en partageant ses peurs, et où les bruitages et la peinture se feront les pendants du jeu théâtral. Les cours de théâtre et d’écriture pour les aîné·e·s, soutenus par Julie Cloux, se poursuivent également pour la troisième année.

Au niveau des autres accueils, on notera Avignon, une école, sans doute le coup de cœur de la saison pour Sandrine Kuster. Fanny de Chaillé, directrice de la Scène nationale de Bordeaux et la Promo M du Bachelor Théâtre de la Manufacture, retraceront ensemble l’histoire du Festival, riche en anecdotes. Du 28 au 30 avril, c’est Samir Kennedy qui se produira sur les planches de la Maison Saint-Gervais, avec Chaos Ballad, la reprise d’un solo entre cabaret, concert et travail du corps. On le retrouvera ensuite du 3 au 5 mai dans sa nouvelle création, en duo avec Sean Murray. Dans It’s got legs, il revisitera l’histoire du spectacle de danse avec plusieurs productions chorégraphiques mélangées.

Des coproductions à la pelle

Afin de soutenir la création, la Maison Saint-Gervais s’associe avec de nombreuses institutions, pour proposer des spectacles qui peuvent tourner et être repris ailleurs. Avec l’Arsenic, on retrouvera d’abord La Magnificité, une pièce difficile à décrire, montée par le Collectif Gremaud/Gurtner/Bovay composée d’une suite de saynètes entre tendresse, burlesque et absurde. Au mois de mai, Tiphanie Bovay, seule cette fois-ci, présentera Paix, co-produit par plusieurs institutions vaudoises. Elle y incarnera une communauté du théâtre amateur, comme vecteur de paix dans un monde qui vacille.

Avec La Grange de Dorigny, on retrouvera tout d’abord L’âge de frémir, un spectacle de Guillaume Béguin sur la vieillesse et la manière d’en parler. Car les vieux sont avant tout d’anciens jeunes. Un travail sur le corps et les masques sera mené pour cette coproduction. Du 6 au 10 mai, toujours avec La Grange, place à Cacao, de Jean-Daniel Piguet, autour d’une histoire familiale, dont une partie se trouve en Amérique du Sud. Il y sera question d’une relation fils-mère et des liens qui unissent la Suisse à l’Amérique latine.

Du 5 au 8 novembre, en co-production avec différentes Scènes nationales françaises, Antoine Deffort proposera Sauvez vos projets, un spectacle basé sur la pensée itérative, entre pédagogie et humour, pour questionne ce mode de création, en regard notamment de l’IA et la place qu’elle prend aujourd’hui. En co-production avec Vidy, Julie Bugnard et Isumi Grichting, reviendront avec une nouvelle proposition lofi. Dans Bowling Club Fantasy, elles interrogeront le multivers, en s’appuyant sur leurs passions communes et des inspirations multiples.

Enfin, on pourra retrouver Jonathan Capdevielle, artiste associé à Genevilliers, et Dimitri Doré, adopté en France à l’âge de 18 mois, après être né en Lettonie, qui parleront donc de la jeunesse de ce dernier. Du 16 au 18 avril, Bryan Campbell s’inspirera de Moby Dick, pour questionner les corps masculins et queer des marins, dans Submersion Games. Pour clore la saison, place à Ntando Cele, artiste sud-africaine basée à Berne et Wasted Land, un spectacle très actuel qui parlera de fast fashion et de pollution.

Alors, prêt·e·s à se rencontrer à la Maison Saint-Gervais en 25-26 ?

Fabien Imhof

Tous les détails et informations pratiques sont à retrouver sur le site de la Maison Saint-Gervais.

Photos : © Mathieu Croisier

Designs : ©Emmanuel Crivelli (Dualroom)

Fabien Imhof

Co-fondateur de la Pépinière, il s’occupe principalement du pôle Réverbères. Spectateur et lecteur passionné, il vous fera voyager à travers les spectacles et mises en scène des théâtres de la région, et vous fera découvrir différentes œuvres cinématographiques et autres pépites littéraires.

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